Questionner son processus créatif
L’étape de conception est à l’origine de tout développement de projet. Dans ce processus créatif, le créateur doit réussir à se projeter dans un produit qui répond aux besoins en termes d’usage et d’esthétique. Le designer est formé à chercher une autre manière de répondre aux problématiques de mode de vie, à imaginer la finalité de l’objet qui doit répondre à un besoin tout en étant désirable. Quant à l’artisan d’art, il est formé aux techniques de fabrication.
De plus en plus de designers sont des artisans, à l’inverse de plus en plus d’artisans d’art sont des créateurs. C’est le cas de trois intervenants de ce live, qui vont vous décrypter leur cheminement créatif !
Jean-Baptiste Sibertin-Blanc designer et ébéniste, a élaboré une méthode de conception autour de cinq dimensions constitutives de tout projet. Loin de vouloir apporter une réponse à toutes les interrogations, il propose des priorités à partir desquelles un projet trouvera sa légitimité.
Marie-Bénédicte Emmanuelli Lorenté aménage des espaces et crée des pièces uniques en bois tourné. Formée aux techniques de tournage uniquement, elle a ressenti quelques doutes quant à l’aboutissement créatif de son travail. C’est auprès de Jean-Baptiste qu’elle apprend à questionner la conception de son travail avant de se lancer dans la fabrication.
Maurane Closier est designer et céramiste. Elle a travaillé dix ans en tant que designer produits pour des manufactures, puis auprès du designer José Levy. Depuis cinq ans, elle pratique le tournage auprès de Augusto Tozzola dont elle reprend l’école. Grâce à son expérience de designer, elle maîtrise parfaitement les plans, les cotes, les lignes, les formes, les volumes, entre autres… Elle applique avec rigueur cet apprentissage issu du design aux pièces qu’elle tourne, depuis le dessin en 2D jusqu’aux pièces créées en série.
La conception est une étape essentielle, à l’origine de toute création d’objet, ce processus singulier propre à chacun, questionne la conception du travail.
Quelle définition à donner au design ?
La personne qui fait du design, utilise la matière pour créer son outil. Le designer cherche à répondre à un besoin, il donne ainsi forme à un nouveau besoin. L’origine latine du terme “design” le montre, designare signifie marquer d’un signe. Quand on s’intéresse aux métiers d’art, on produit des signes, des signes de culture, de marque, d’identité, d’appartenance. Quand on achète un objet, on achète un signe.
“Un projet de design, c’est une succession de choix, qu’on ne fait par hasard” Jean-Baptiste Sibertin-Blanc designer et ébéniste
Tout d’abord, on se retrouve face à une page blanche, qui va se noircir de manière plus ou moins rapide, et on va se demander “à quoi va servir le design dans ma démarche ?”. C’est à travers les questions qui se sont posées durant l’étape de la création, que Jean-Baptiste Sibertin-Blanc a pu identifier une méthode constituée de cinq grands axes. Une méthode qui se veut universelle, que tout le monde doit avoir en tête pour mener à bien son processus créatif. Impossible de penser à tous les axes en même temps. Chaque axe de cette méthode doit être appréhendé par étape.
Pour arriver à questionner son processus créatif, vous retrouvez 5 ingrédients :
Une matière
Une fonction
Un process
Un client
et beaucoup d’émotion
Jean-Baptiste Sibertin-Blanc explique: “Mon travail est d’accompagner les artisans d’art à s’organiser un petit peu, à savoir prioriser les étapes”. Il est nécessaire de suivre une méthodologie pour avancer, tout en prenant du recul face à sa propre production. En effet, chaque méthodologie est personnelle, l’objet répond à la marque que l’artisan d’art est en train de créer. Un projet de design est une succession de choix. Les choix ne sont jamais fait au hasard. Il explique également qu’il n’est pas nécessaire de savoir dessiner, l’idée et le processus créatif n’ont pas besoin d’un dessin maîtrisé pour s’exprimer. L’intérêt est de mieux structurer “son musée imaginaire”, qui est nourri de références qu’on déteste ou qu’on adore ou alors qu’on ne voudrait surtout pas copier. Quand on commence son projet de design, souvent on entend “ j’ai plein d’idées mais je ne sais pas comment faire”, c’est à ce moment-là, qu’il faut suivre ces étapes, de l’idée au croquis à l’objet finalisé.
Des étapes successives pour faire avancer son cheminement créatif :
La première étape est de savoir illustrer ces cinq grands axes par une image, c’est une réflexion très subjective, car l’émotion est propre à chacun. Se projeter en choisissant des images de référence permet déjà de délimiter son projet, en se posant différentes questions : “Qui mon client idéal, est-ce que je cherche à ressembler à Hermès ou à vendre à destination d’une clientèle qui entre chez IKEA ou Habitat ?” Les projets de design peuvent démarrer de plein d’endroits, mais ces cinq axes restent fondamentaux dans ce processus. Il faut que le crayon soit le plus libre possible, afin de pouvoir aller de surprise en surprise, comme l’illustre l’écriture automatique. On s’est nourri d’inspirations multiples et à un moment on décroche pour laisser libre court à la création.
Quelques conseils :
Réaliser un travail iconographique en amont autour des 5 axes
Apporter quelque chose de neuf, une touche artistique singulière qui reflète votre personnalité, vos voyages
A éviter “ne pas réinventer l’eau tiède”, innovez !
Etre accompagné dans son processus créatif
Marie-Bénédicte Emmanuelli Lorenté témoigne de l’accompagnement qu’elle a reçu: “Je n’ai pas suivi de formation de designer initialement, et souvent quand j’avais eu une idée je ne savais pas si j'avais été au bout de celle-ci. Maison Agamaou est une nouvelle entreprise que j’ai créé, l’objectif de cet accompagnement était de savoir comment identifier et imposer mon style au sein de mon entreprise. Grâce au programme IMPULSER que j’ai suivi, j’ai pu définir mon projet, et être accompagné pour le faire et m’imprégner d’une méthodologie. Cet accompagnent a un avantage considérable, celui de me permettre de moins me disperser et d’économiser mon énergie.”
“ Une fois qu’on a une masse de croquis, on les reprend et on se rend compte que dans ce qui paraissait incohérent, il y a un chemin qui se dessine” Marie-Bénédicte Emmanuelli Lorenté
“Cette méthodologie m'apporte de savoir mieux m’organiser, de savoir prioriser, notamment de se reposer la question, du matériau, du client… Qu’est-ce que je vais mettre en valeur ? “
Dans la recherche iconographique, ce qui a été intéressant a été de pouvoir identifier mes envies. Ma plus grande difficulté a été d’arriver de sortir de la partie technique, et de passer à la partie créative. Le fait de travailler sur des croquis puis des maquettes, permet d’arriver à faire des choses sans passer par la technique.
Jean-Baptiste Sibertin-Blanc remarque : L’artisan se pose très rapidement la question de “comment faire?”, on ne doit pas se poser la question “comment faire?”, mais plutôt de se demander “quoi faire?”.
C’est une étape fondamentale, qui permet de laisser toute sa place à la créativité. Dans un premier temps, il faut se libérer des contraintes pour être dans la création, d'où l'importance de s’accorder du temps et de faire des croquis, du dessin sans rentrer trop loin dans le détail.
Du design à l’artisanat, deux approches complémentaires
Maurane Closier est designer et céramiste, elle décrit ce passage du designer à l’artisan: “J’ai eu une maîtrise très différente pendant dix ans, j’étais en amont de l’atelier. Maintenant quand je suis au tour dans mon atelier, je n’adopte pas du tout le même état d’esprit. Avec mon cerveau de designer, je me pose plein de questions, alors que quand je tourne, mes gestes sont précis et répétés, ce sont deux pratiques différentes. C’est beaucoup plus vif et intuitif alors que dans le design, je suis une démarche de réflexion. Aujourd’hui si on me donne un plan, je peux arriver facilement à l’imaginer sur le tour. Le dialogue entre l’artisan et le designer est ce qui permet d’aller plus loin”.
“Il faut aussi accepter les erreurs dans la phase de fabrication, où on ne peut revenir en arrière contrairement à la phase de design ” Maurane Closier, designer et céramiste
Au tout début, il fallait apprendre les gestes et la technique, j’arrive petit à petit à sortir de cet apprentissage pour laisser le processus créatif s’épanouir. Dans ce processus, il faut accepter l’erreur pour continuer. Par exemple, dans l’atelier de céramique, la casse peut-être due au fait que les objets soient trop fins, en fonction du rendu de l’email et il n’est pas possible de revenir en arrière comme cela été le cas dans le métier de designer. Elle explique : “Dans ma pratique et mon processus créatif, il faut que j’ai un plan et effectuer des dessins avant de me lancer dans la conception. Je dessine en plan pour faire des séries”.
Comment enseignes-tu ce processus créatif à tes élèves ?
Je leur enseigne une répétition, l'enchaînement de geste efficace, et de la technique qui devient par la suite l’outil. C’est dans une deuxième étape, que le processus créatif arrive.
"Maîtrise tes classiques et tu feras l’artiste après”, Augusto Tozzola
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