L’art du storytelling

Nous voulons vous raconter une belle histoire, celle d’une faïencerie créée à la fin du XIXe siècle qui se développe aujourd’hui dans la modernité du XXIe siècle. La Faïencerie Georges parle à travers ses décors. C'est ce qui a séduit notamment Atelier Particulier, les dénicheurs du savoir-faire français. Ensemble ils ont créé une collection qui s’est déjà vendue à plusieurs centaines d’exemplaires.

Nous allons à la rencontre de deux personnes inspirantes dans le monde de l’artisanat, afin de comprendre quelle a été leur rencontre, l’histoire d’une marque familiale, en faveur de la promotion d’un savoir-faire français. Comment une marque raconte-t-elle son histoire au service de sa stratégie ?

  • Jean-François Dumont est un des deux dirigeants de la Faïencerie Georges dont l’origine date de 1898. C’est en 2010 que Jean-François et Carole Georges reprennent l’entreprise familiale. Tout en conservant le savoir-faire traditionnel - le calibrage des pièces et l’illustration à main levée - ils posent un nouveau regard, spontané et décalé, sur la création des décors.   

  • Jolhane Leite est responsable de la marque Atelier Particulier. Il s’investit tous les jours dans le développement d’actions cohérentes avec l’identité de l’entreprise dont la mission est de dénicher les meilleurs ateliers et révéler leurs savoir-faire. Pour lui, l’histoire racontée doit être un fil rouge pour stimuler les émotions d’une communauté de clients potentiels, au service de la stratégie de la marque.

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En tant qu’artisan d’art, votre marque est votre ADN, elle est essentielle à l'histoire que vous souhaitez déployer auprès de votre communauté. 

Vous avez dit, storytelling ? Le storytelling est l’art de raconter une histoire, mais il ne s’agit pas de raconter n’importe quelle histoire. En effet, il faut s’interroger sur les meilleures pratiques et les conseils pertinents à adopter pour appréhender les règles du jeu du storytelling pour l’artisan d’art. L’objectif est de créer des connexions entre les personnes et  la marque, afin de créer une relation directe, où l’authenticité est la clé.

Depuis 2013, Atelier Particulier (AP) est passé maître dans l’art de raconter l’histoire des artisans et de leurs savoir-faire. Bien plus qu’un axe de communication, le storytelling chez AP se construit comme “un fil rouge, mettant en lumière la manière de communiquer, de développer les pièces, et en parallèle, c’est aussi un axe de développement pour aller chercher les gens avec lesquels on souhaite travailler. Cela devient un axe stratégique de développement pour toujours aller à la rencontre des meilleurs savoir-faire et les mettre en avant, essayer avec le plus d’authenticité de raconter leur histoire auprès de notre communauté.” 

Comment avez- vous renouvelé les codes de la faïencerie ? 

Jean-François Dumont explique : “Au tout début, le storytelling n’a pas été pensé, rien n’a été réfléchi, ni de stratégie élaborée, l’idée était de proposer des choses différentes dans les visuels. On a mis tout sur la table, l’inscription à Ateliers d’Arts de France, nous a permis de suivre des formations et de s’ancrer dans un réseau.” 

“Il n’y avait pas de gamme de dessin, ni de volonté de tout remplacer d’un coup, de passer du traditionnel au moderne, mais bien de procéder par étapes.”


Succès d’estime ne veut pas dire succès commercial

Un premier stade de développement a permis l’apparition d’un succès d’estime auprès des passionnés des arts de la table et de certains médias, mais cela ne s’est pas traduit par un impact commercial auprès du grand public. La clientèle locale n’était pas encore réceptive aux dessins industriels dans l’assiette. A Nevers, ce n’était pas très bien vu les décors contemporains, mais le fait de gagner le prix de la jeune création Métiers d’Art d’Ateliers d’Art de France a permis une meilleure reconnaissance. 

“L’idée était d’en finir avec le traditionnel. La bonne réception de nos collections sur les salons nous a permis de faire évoluer la clientèle progressivement”. 

Plusieurs années de salons, de tentatives, beaucoup de patience et de ténacité ont permis d’évoluer et de gagner une communauté plus grande attachée à ces nouvelles innovations. Il y a trois ans, la rencontre avec Clara, qui est aujourd’hui la directrice marketing et commerciale de la Faïencerie Georges, est un point de bascule, qui a permis une prise de conscience et la mise en place d’une stratégie de communication adaptée et pertinente, dont les impacts futurs révèleront la justesse. 

“ Tout était là, il fallait juste l’organiser un peu”.

C’est un storytelling à plusieurs branches, qu’il a fallu décortiquer, entre l’histoire de la faïencerie de Nevers comme label, le savoir-faire de la Faïencerie Georges et la volonté de moderniser les dessins…pour en faire ressortir l’essentiel et mettre en lumière le trait singulier. Pour Jean-François Dumont, cette rencontre est un déclic, qui leur permet de prendre du recul sur leur travail, “on racontait des histoires, il fallait l’écrire, concevoir notre fil narratif et décrypter les émotions que l’on voulait transmettre à nos clients”

Un conseil à suivre pour adopter cette prise de conscience, s’arrêter un instant et s’accorder le temps de la réflexion. Il faut se poser des questions et prendre le temps d’y répondre, c’est à travers le processus d’écriture, que le fil narratif se déroulera et qu’on trouvera ainsi  la meilleure manière de se raconter. 

Cette prise de conscience a permis de construire la singularité du storytelling de la Faïencerie Georges,  notamment comme le montre certains exemples indiqués par Jean-François Dumont : 

  1. La mise en valeur d’une création en rendez-vous mensuel 

La collection “Monthly plate” est devenu le rendez-vous phare de la Faïencerie Georges. Chaque mois, cette collection propose une nouvelle assiette peinte à la main, en série limitée et numérotée. Les thèmes sont variés et mettent en lumière toute la singularité et la modernité des dessins. Cette création a de nombreux avantages, dont une souplesse dans la création et “de production du faire”. En effet, cette collection est mise à l’honneur depuis leur rencontre avec Clara, ils vont se rendre compte de son importance et utiliser les moyens de communication adaptés pour la promouvoir, alliant ainsi communication et commercialisation, à travers un calendrier précis. L’assiette du mois s’est ainsi transformée en un outil de communication, au service du storytelling de la Faïencerie.


“L’assiette du mois fait partie de notre histoire, tous les mois on en propose une nouvelle - c’est ça notre force, qui va rapidement devenir un rendez-vous mensuel et l’opportunité de témoigner”. 

2. La promotion d’un ton décalé et innovant

Avoir conscience de sa singularité et du ton sur lequel on veut communiquer est primordial. Pour la Faïencerie Georges, il a fallu trouver sa place, au sein de l’univers très sérieux de l’artisanat des arts de la table, ou l’innovation et la modernité des créations n’est pas toujours bien appréhendée.  

“Des dessins de pylônes dans les assiettes. Pourquoi pas ? Nous avons adopté un regard décalé et amusé, pour promouvoir nos créations, en accord avec les illustrations. Tous les dessins présents sur les assiettes sont des moments de vie, vus, pris en photo et finalement dessinés à la main.”

D'après Jolhane Leite, la difficulté qui ressort le plus de ces visites d’ateliers d’artisans, est la difficulté de parler de soi et dans 75% des cas, de prendre de la hauteur sur ce que l’on produit. 

Il détermine deux clés de succès pour arriver à parler de soi : 

  • L’UNICITÉ : Il fait toujours faire attention lorsque l’on raconte quelque chose pour parler de l’unicité, qui est le caractère de ce qui est propre à chacun, ce qui le rend unique, et repartir ainsi sur la singularité de son savoir-faire et son identité de marque. 

  • LA PASSION : D’après Jolhane Leite, la passion n’est pas assez mise en avant dans la communication, alors qu’il n’y a pas de sujet plus intéressant que ce qui nous passionne, c’est une force qui favorise la transmission d’information. 

Et pourtant, raconter son histoire est loin d’être une chose aisée pour les artisans d’art, nombreux sont ceux qui n’y rencontrent pas le succès escompté. 

Trois écueils à éviter dans la construction de votre storytelling :

  1. Attention, si le message qu’on essaye de transmettre ne correspond pas à l’audience, les résultats ne seront pas au rendez-vous. Par exemple, lors de la reprise d’une entreprise familiale, entre la passation d’une génération à l’autre, il s’agira de bien analyser si la communauté de clients a bien suivi avant de proposer une communication trop innovante. 

  2. Il est primordial d’aller au contact de sa clientèle et de bien cerner ses attentes, comme par exemple, la mise en place de sondages, d’appels téléphoniques, de rencontres physiques. L’objectif est de récupérer de l’information pertinente pour construire sa stratégie. 

  3. Enfin, pour faire un storytelling efficace, il faut savoir se retenir et ne pas tout dire. En tant qu’artisan et porteur du projet, on a souvent envie de tout dire, mais cela n’est pas toujours opportun. Est-ce qu’il vaut mieux parler de l’héritage ou de la création ? Le plus important est de rédiger un message le plus complet qui transmet les valeurs de l’entreprise.

L’art d'enjoliver les choses, vers une communication mensongère 

Le storytelling est aujourd’hui devenu un mot à la mode, souvent perçu comme un art, une technique à adopter, il s’agit de ne pas tomber dans les pièges d’une fausse communication et de toujours rester en lien avec l’identité et les valeurs de l'entreprise. Quelque soit la taille de l’entreprise, si on décide de parler de choses qui ne sont pas vraies, cela se saura et un “Bad buzz” peut vite arriver à moyen ou à long terme. 

Exemple concret : Votre communauté est peut-être encore plus experte que vous sur le sujet. Elle est ainsi garante de l'authenticité de votre histoire, ainsi si l’artisan décide de raconter des choses qui ne sont pas intimement liées à la marque et au projet, votre communauté pourra vous le faire remarquer. Le conseil est de rester au plus proche de ce que vous faites dans votre narration. 


Par qui peut-on se faire accompagner pour établir un storytelling efficace propre à sa marque ? 

Différentes options sont possibles dans cet accompagnement, tout dépend du niveau de maturité du projet, avant d’aller chercher des experts en storytelling, de marque, deux démarches peut-être réalisées: 

1ère option : Une personne en interne peut se charger d’appeler la totalité des clients, afin de confronter les nouvelles attentes de l’artisan et la réaction de ses clients. Il s’agira par la suite de réaliser une synthèse et d’analyser les résultats.  

2ème option : L’artisan peut également se rapprocher des ouvriers et des personnes de son entourage qui travaillent avec lui, ou bien d’autres artisans, afin d’échanger sur les bonnes pratiques à adopter lors de séances de mentorat et d’échange.

Pour Jean-François Dumont, au sein de la stratégie de communication, il s’agira aussi bien de beaucoup parler et que de beaucoup écrire. Dans cette perspective, ils ont écrit une sorte de bible, intitulée “une plateforme de marque”, l’objectif : bien comprendre leurs besoins. 

La plateforme de marque est un outil utilisé dans le marketing pour décrire l’identité d’une marque, à travers ce qui fait son ADN et sa différence. 

  • vision : façon de voir le monde, philosophie qui sous-tend le positionnement ;

  • mission : rôle dans la société et dans son domaine 

  • cible(s) : différents publics auxquels l’entité s’adresse et pour qui elle met en œuvre sa mission. On peut distinguer des cibles principales et des cibles secondaires 

  • promesse : engagement de la marque auprès de ses publics, contrat de confiance instauré 

  • ambition : position que l’entité souhaite avoir, façon dont elle souhaite être reconnue

  • valeurs : qualités principales qui vont justifier sa réussite

  • personnalité : traits de caractère qui définissent la façon d’être, d’agir, de communiquer

Questions à se poser : Quel est notre savoir-faire ? Quelles sont nos valeurs ? Qu’est-ce qu’on veut raconter ? Quel est notre objectif ? Quelles sont les attentes de notre communauté ?
La rédaction de la vision de la marque constitue par la suite un atout pour votre entreprise est pourra être utilisé aussi bien comme éléments de contenu dans votre stratégie de communication que d’un point de vue commercial, comme guide de formation pour les commerciaux et les vendeurs en boutique qui ont pour mission de vendre vos produits. Ils pourront ainsi acquérir une vision plus fine de vos valeurs et de vos engagements et pourront la transmettre à vos clients. 

Une entreprise peut-elle se passer de storytelling ?

Oui, toutes les communications ne comportent pas de storytelling, il n’est pas essentiel d’adopter une stratégie propre. L’artisan n’est pas obligé de devenir un expert dans l’art du storytelling, et peut se diriger vers des moyens de communication habituels pour vendre sa marque, sans avoir à mettre en avant son histoire. 


Comme vous l’aurez compris, l’élaboration d’un storytelling singulier nécessite de s’accorder un moment de calme et de prise de recul sur son travail, et ainsi de faire émerger cette capacité de parler de soi et à présenter les bonnes choses au bon moment

Pour aller plus loin, ressources utiles :

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