Défis et besoins de l’atelier ARCOA, spécialistes de la restauration d'oeuvres peintes
Crédits Atelier Arcoa
Rencontre avec Alexandra des Aulnois, dirigeante de l’Atelier ARCOA
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a amenée à diriger l’Atelier ARCOA ?
J’ai fait une école de commerce, un parcours initialement éloigné des métiers d’art. Pendant une dizaine d’années, j’ai évolué en finance et gestion d’entreprise. À un moment charnière, notamment après avoir eu mes enfants, je me suis interrogée sur le sens de mon travail et ce que je voulais transmettre. C’est alors que, par un heureux hasard, j’ai rencontré Antoine Courtois, à l’origine du groupe Ateliers de France. Cette rencontre m’a ouvert les portes des métiers d’art et m’a menée à prendre la direction de l’Atelier ARCOA.
Pouvez-vous décrire ARCOA ?
ARCOA a été fondée il y a environ 55 ans et se spécialise dans la restauration et conservation d’œuvres d’art ainsi que la restauration de décors patrimoniaux inscrits ou classés aux Monuments Historiques. Nous intervenons sur des chantiers d’exception où chaque projet demande une expertise pointue et un respect des traditions artisanales.
Nous sommes une trentaine de collaborateurs, dont quatre apprentis. Nous travaillons sur une grande diversité de chantiers, allant de petites restaurations en atelier à des projets d’envergure tels que la cathédrale de Nancy ou Notre-Dame de Paris.
Votre secteur est-il concurrentiel ? Comment remporte-t-on un chantier ?
Nous sommes dans un secteur de niche au sein des métiers d’art. Si l’économie globale nous classe comme une niche, au sein du secteur, nous sommes une structure relativement importante. La plupart de nos concurrents sont des indépendants ou des groupements d’indépendants. Notre capacité à offrir une palette de savoir-faire diversifiée nous distingue. Pour obtenir un chantier, la réputation et le réseau jouent un rôle clé, en plus des réponses aux appels d’offres.
Quels sont les principaux défis auxquels vous faites face ?
Le principal défi est la gestion des projets et l’anticipation des variations d’activité. Par exemple, nous avons mobilisé une équipe importante pendant plusieurs années sur Notre-Dame de Paris. Maintenant que ce chantier est terminé, il faut veiller à combler ces périodes creuses. L’autre défi est la dépendance aux budgets publics, surtout dans un contexte post-Jeux Olympiques et de fluctuations économiques.
Pouvez-vous décrire un chantier-type ?
Il existe deux grandes typologies de chantiers :
Les chantiers parisiens en peinture décorative, souvent réalisés via une entreprise générale pour des clients institutionnels.
Les chantiers patrimoniaux en province, impliquant des monuments historiques sous la supervision de la DRAC ou du ministère de la Culture.
Sur chaque chantier, nous avons un conducteur de travaux qui suit l’avancement et un chef de chantier présent au quotidien pour assurer la coordination et le respect des protocoles.
Quel rôle jouent les nouvelles technologies ?
Elles sont essentielles, notamment en amont des projets. Nous utilisons par exemple des analyses en laboratoire pour décomposer la structure des peintures et des techniques comme le nettoyage au laser pour préserver les polychromies. Par ailleurs, des solutions écologiques innovantes, comme le nettoyage à base d’algues, sont en phase de test pour limiter l’usage de produits toxiques.
Quelles qualités sont essentielles pour réussir chez ARCOA ?
Un grand sens de l’observation, une appétence pour le travail manuel, de la patience et une capacité de résilience. Travailler dans un édifice en plein hiver sans chauffage demande une réelle endurance physique.
Quels parcours de formation recommandez-vous ?
Il existe plusieurs voies pour se former aux métiers d’art et de la restauration patrimoniale. Les formations diplômantes sont une bonne base, notamment avec un CAP spécialisé en peinture décorative, dorure, sculpture ou restauration du patrimoine. On peut ensuite poursuivre avec un BMA ou un DMA pour approfondir ses compétences et se spécialiser davantage.
Les écoles spécialisées sont aussi une excellente option. Par exemple, l’École de la Bonne Graine forme en dorure et sculpture, tandis que l’École Boulle ou l’Institut National du Patrimoine (INP) proposent des formations plus poussées, notamment pour les restaurateurs agréés.
Mais au-delà des diplômes, la formation sur le terrain est essentielle. Le compagnonnage et l’apprentissage permettent d’apprendre aux côtés d’artisans expérimentés. Chez ARCOA, nous avons à cœur d’accompagner les jeunes professionnels en leur permettant de travailler avec des collaborateurs ayant 20 ans d’expérience ou plus. C’est ainsi qu’ils acquièrent le savoir-faire et les gestes précis qui font la qualité de notre métier.
Pour ceux qui envisagent une reconversion, je conseille toujours de commencer par une immersion : faire un stage, observer sur un chantier ou en atelier. Cela permet de mieux comprendre les réalités du métier avant de s’engager dans une formation plus longue.
L’essentiel est d’expérimenter sur le terrain, car ce sont des métiers où l’apprentissage se fait autant par la pratique que par la théorie.
Quel rôle joue le compagnonnage dans votre secteur ?
Le compagnonnage joue un rôle central dans notre secteur. La transmission directe du savoir-faire par des artisans expérimentés est essentielle pour préserver nos techniques et assurer la relève. Chez ARCOA, nous avons des collaborateurs qui ont plus de 20 ans d’expérience et qui forment les plus jeunes sur les chantiers. C’est en travaillant aux côtés de personnes expérimentées que l’on apprend réellement les gestes, les matériaux et les exigences du métier.
Recrutez-vous des profils en reconversion ? Quels critères privilégiez-vous ?
Oui, nous recrutons des profils en reconversion. Ce que nous privilégions avant tout, c’est la motivation et la rigueur. Une bonne base en dessin et en sculpture peut être un atout, mais l’essentiel est l’envie d’apprendre et de s’investir. Nous accueillons souvent des personnes en stage pour leur permettre de découvrir concrètement le métier avant de s’engager. Il est important de bien comprendre la réalité du terrain, car ce sont des métiers exigeants qui demandent du temps et de la patience pour acquérir les gestes et la technicité nécessaires.
Quels sont les métiers les plus recherchés dans votre secteur ?
Les métiers les plus recherchés dans notre secteur sont les sculpteurs, les doreurs et les restaurateurs spécialisés en bois et pierre. Ce sont des savoir-faire très pointus qui demandent du temps et de l’expérience pour être maîtrisés. Nous avons aussi besoin de profils polyvalents capables d’intervenir sur différents types de chantiers, car chaque projet est unique et nécessite une adaptation aux techniques et aux matériaux spécifiques.
Travaillez-vous avec des indépendants ?
Oui, nous faisons régulièrement appel à des indépendants et des CDD pour répondre aux pics d’activité ou pour des missions spécifiques nécessitant une expertise pointue. Par exemple, nous sommes spécialisés dans la couche picturale des œuvres d’art, mais lorsqu’un projet demande l’intervention d’un restaurateur de papier russe ou d’un expert en dorure à l’ancienne, nous collaborons avec des spécialistes extérieurs.
De plus, la flexibilité est essentielle dans notre secteur. Si un projet démarre plus tôt que prévu ou si nous devons mobiliser rapidement une équipe, nous avons la chance de pouvoir compter sur un réseau d’indépendants qualifiés avec qui nous avons l’habitude de travailler. Cette capacité d’adaptation nous permet de garantir la qualité et le respect des délais, tout en préservant notre exigence en matière de restauration patrimoniale.
Quelles évolutions professionnelles offrez-vous chez ARCOA ?
Un artisan peut évoluer de plusieurs manières chez ARCOA. Il peut se spécialiser davantage dans une technique précise et devenir un expert reconnu dans son domaine. Il peut aussi évoluer vers un poste de chef de chantier, en prenant en charge l’organisation et la coordination des équipes sur le terrain. Certains choisissent d’intégrer le bureau d’études pour travailler sur la préparation et le suivi des projets. Nous avons aussi des collaborateurs qui, après plusieurs années sur les chantiers, forment les nouvelles générations. L’évolution dépend des envies et des compétences de chacun.
Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre métier ?
La diversité des projets et la satisfaction de voir renaître des éléments du patrimoine. Chaque chantier est une histoire unique.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite se lancer ?
Se confronter à la réalité du métier avant de se lancer. Faire des stages, observer sur le terrain, et choisir un parcours favorisant l’apprentissage concret.
Pour en savoir plus :
Site web : atelier-arcoa.com
Linkedin : Alexandra des Aulnois
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