Sabine Halm fait revivre un savoir-faire hérité de son arrière-arrière grand-mère

Témoignage recueilli en 2020. Crédits Photo Jean-François Auzanneau, Francis Morlaix, Madrigal.b.

Je suis dentellière en ennoblissement textile et accessoires de mode. Mon atelier Dentelle Métiers d’Art créé en 2016 est situé dans le Limousin à Saint-Sulpice-les-feuilles. Je crée de la dentelle avec une technique héritée de mon arrière-arrière grand-mère. Je ne l’ai pas connue mais j’ai retrouvé les techniques dans des ouvrages datant du XIXème siècle.

Sabine faire revivre avec technique et émotion ce savoir-faire de la dentelle à noeuds, situé entre la dentelle aux fuseaux et la dentelle à l’aiguille. Issue d’une famille de tisserands et de fileurs, Sabine a renoué avec ses racines après une première vie professionnelle. Elle s’est formée toute seule, de 2005 à 2016, portée par une envie farouche de faire revivre ce savoir-faire familial. En 2016, elle s’est entourée des personnes qui pouvaient l’aider et a créé sa micro-entreprise.

quel a été le déclencheur ?

Le déclencheur a été l’envie de m’exprimer par moi même, il fallait que je libère mon esprit de ces pensées créatives développées alors que j’apprenais toute seule ce savoir-faire depuis 10 ans ! J’ai également une forte incompréhension de ce monde d’ hyper-consommation, où notre manière de produire et de consommer n’a aucun sens. J’ai attendu d’avoir un peu d’argent de côté pour financer la construction de l’atelier, le matériel et une période sans salaire. Le moment venu, j’ai démissionné.

Comment avez-vous dépassé vos peurs quand vous vous êtes lancée ?

Je n’ai pas réellement eu de moments de peur ou de doutes, j’ai juste eu une persévérance obsédante ! Il faut être déterminé, plus que jamais, quand on décide de créer son entreprise, et cela pas seulement la première année.

Comment est organisée votre entreprise ?

Je travaille sur tout ce qui touche à la création, à la fabrication, au développement commercial et administratif. Mon mari gère le reste, de la fabrication des outils à la logistique. Je consacre 4h par jour à la production.

Quelles ont été les premières étapes de développement de Madrigal.b ?

La première étape a été de m’inscrire en 2016 à la Chambre des Métiers et de l’Artisanat pour pouvoir être représentée comme professionnelle sur les salons. Les non-professionnels sont limités à trois salons par an. Ca a été ma première confrontation avec le monde professionnel. Le conseiller m’a dit : “si vous persistez à proposer des prix si peu cohérents avec votre travail, vous ne pourrez jamais vivre de votre travail et vous dévalorisez votre savoir-faire !”

Ensuite, j’ai postulé au Pôle des Métiers d’art du Limousin, j’ai été accepté en 2016. Puis j’ai été admise aux Ateliers d’Art de France en 2017. C’est important pour nous car cela a validé le savoir-faire que nous avions développé. Cela nous crédibilise auprès de nos clients également. Enfin, cela permet d’appartenir à un réseau et avoir accès à des formations.

Enfin, nous participons régulièrement à des concours. Une petite dotation est offerte et cela valorise notre travail. La reconnaissance est importante dans un tout petit marché comme le nôtre. Nous avons gagné le prix coup de coeur Talent de la BGE . J’ai été Lauréate du concours du Trophée des entreprises Haute-Vienne et trois fois finaliste régionale au concours Ateliers d’Art de France en 2017, 2018 et 2020.

Mon mari a rejoint l’atelier en 2018 voyant que l’entreprise se développait. Son soutien me soulage énormément !

Qui sont vos clients ?

Nous partageons notre chiffre d’affaires de façon à peu près équivalente entre clientèle particulière, clientèle professionnelle et notre école.

Nous avons la chance d’avoir une boutique à Angles-sur-l’Anglin dans la Vienne, le seul “plus beau village de France” du département, ce qui attire du monde. Nous allons également sur les salons. Quant aux clients professionnels, ils nous découvrent grâce à notre savoir-faire rare. Pour le moment, nous travaillons pour des ateliers de couture qui s’adressent à une clientèle haut-de-gamme, mais nous pourrions aussi travailler pour l’ameublement d’intérieur.

Enfin, nous avons développé une école. Nous formons d’autres professionnels qui veulent compléter leur savoir-faire ou des personnes qui viennent pour leur loisir. Nous avons tous les agréments pour que les professionnels puissent faire financer leur formation.

comment calculez-vous le prix de vos pieces ?

J’ai été accompagnée grâce aux Ateliers d’Art de France par une personne qui m’a expliqué comment calculer mon prix de vente. C’est indispensable de commencer par ce calcul pour valoriser correctement le savoir-faire et aussi pour s’assurer de la survie de l’activité. Nous facturons 35 euros l’heure de travail (cela peut varier évidemment selon le coût de la matière première) et mes pièces vont de 1 heure à 800 heures de travail !

Que pensez-vous de l’avenir des métiers d’art ?

Je pense que ces métiers d’art offrent un nouveau mode de consommation. Nous produisons tous des petites pièces, à prix raisonnable. Mon premier prix par exemple est à 25 euros. Si nous avions tous plus d’acheteurs pour ces pièces, nous pourrions mieux vivre et eux défendraient un mode de consommation différent.

Nous traversons une grande crise avec le COVID. Les salons sont annulés, nous devons renoncer à cette partie de chiffre d’affaires qui est importante à cette période de l’année. J’espère que cela va permettre à chacun de prendre conscience des travers de l’hyper-consommation et donner un nouvel essor à nos métiers !

Décrivez-nous une rencontre inspirante ?

Mon tout premier client, après m’avoir écoutée et vu mon travail, m’a dit : « Oui, ça peut marcher ». Ce genre de «  Oui, ça peut marcher » plein de positivisme n’était pas celui que te dirait un ami ou membre de ta famille, voulant te faire plaisir... c’était le OUI qui donne des ailes !

Avez-vous-tu un conseil à donner pour les personnes qui veulent se diriger vers un métier d’art ?

Idéalement, il faut avoir un peu d’argent de côté car les trois premières années sont les plus dures financièrement : il n’est pas possible de se verser de salaire car ce qui est gagné est réinvesti dans les salons, les investissement matériels, la communication, la logistique...

Il faut également connaître et assumer son positionnement : est-on un professionnel des métiers d’art ou est-ce une activité secondaire ? Dans le premier cas, l’à-peu-près ne peut pas exister, il faut être le plus juste possible dans ses actions et son savoir-faire.

Il faut un moral d’acier, et rester vrai. Enfin, oser dire non. Il ne faut pas tout accepter sous prétexte qu’il faut vendre ! Mais il faut avoir confiance ! Il y a une phrase de Coco Chanel que j’aime beaucoup et qui dit : «  Ce n’est pas parce que nous naissons sans ailes, qu’il faut les empêcher de pousser ».

Pour en savoir plus : 

Site web : dentellemetierdart.fr

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